Eudes de Châtillon ou Odon de Lagery ou encore Otton de Châtillon
Né à Châtillon-sur-Marne1 entre 1022 et 1042, décédé à Rome le 29 juillet 1099, il prend le nom d'Urbain II. C'est le dernier fils de Milon, seigneur de Châtillon et de Bazoches-sur-Vesles. Il reçoit une formation de moine bénédictin à Reims, d'abord chanoine puis archidiacre. Très pieux il décide ensuite de devenir moine à l'abbaye de Cluny en 1067, dont il devient le grand prieur vers 1073, sous l'abbatiat d'Hugues de Semur. À la recherche de moines clunisiens pour mener sa réforme, Grégoire VII le nomme à Rome en 1079 et devient cardinal-évêque d'Ostie. Très apprécié du Pape il est son conseiller, il soutient la réforme grégorienne. Cette réforme, vise à épurer l'église de ses pompes et à la détacher des pouvoirs temporels. L'Église se retrouve ainsi en conflit avec l'Empereur. Le conflit atteint son paroxysme sous Grégoire VII, chassé de Rome et remplacé par un antipape, Clément III. Eudes est nommé légat en France et en Allemagne, dans le but de démettre Clément III, et rencontre Henri IV à cette fin en 1081, en vain. Il préside plusieurs synodes, dont celui de Quedlinburg en 1085 qui condamne les partisans de l'empereur Henri IV et de l'antipape Clément III.
Il devient Pape sous le nom d'Urbain II
Au terme du très bref pontificat de Victor III, Eudes réuni les évêques partisans de la réforme grégorienne à Terracina, car Rome est aux mains des partisans de Clément III. Là, il est élu pape puis consacré le 12 mars 1088 sous le nom d'Urbain II. Son premier message est d'affirmer solennellement sa fidélité à l'œuvre de Grégoire VII, en renouvelant les condamnations de ce dernier en matière de discipline ecclésiastique : simonie ( trafic de biens spirituels ), nicolaïsme (« incontinence » du clergé) et investiture des clercs par les laïcs. En revanche, il se montre plus souple que Grégoire sur les cas de clercs ordonnés par des évêques simoniaques ou schismatiques : il considère leur ordination comme valide, s'attirant ainsi les critiques de théologiens comme Bonizo de Sutri, Deusdedit ou Bruno de Segni. Pour rendre plus souples les condamnations, il applique la doctrine de la dispense selon Yves de Chartres. Il ménage Guillaume II d'Angleterre en conflit avec Anselme, l'archevêque de Cantorbéry, qui veut assurer l'indépendance de l'Église vis-à-vis du roi. Il conforte la papauté en faisant des royaumes hispaniques et de la Sicile des royaumes vassaux du Saint-Siège. Comme ses prédécesseurs Urbain II continue à s'appuyer sur l'ordre de Cluny.
Un début de Pontificat très difficile
Ne pouvant rentrer à Rome, occupée par Clément III, il séjourne durant 8 mois à Troina, en Sicile, sous la protection du normand Roger de Hauteville, qui achève la reconquête de l'île occupée par les musulmans (1061-1091). Il retourne à Rome en toute fin d'année 1088 sous escorte normande mais y est chassé par Henri IV l'année suivante. Par sa politique modérée en France et en Angleterre, il crée un « parti romain » en sa faveur, isolant l'empereur. Ne désirant pas se démettre il doit alors affronter le schisme créé par le parti impérial. Il triomphe avec l'aide de Conrad, fils d'Henri IV. En 1093, Urbain II peut regagner Rome. Obstiné, il achète la reddition du palais du Latran l'année suivante, et fait tomber le château Saint-Ange en 1098, parachevant ainsi sa reconquête de la ville. Il peut alors durcir sa politique : l'exemption, qui place les abbayes sous la responsabilité directe du pape, largement pratiquée, concerne tous les établissements clunisiens. Les chanoines réguliers sont créés, les légats réutilisés, les primats instaurés. Il préside les conciles de Plaisance et de Clermont en 1095. Durant le premier, il invalide toutes les ordinations effectuées par Guibert de Ravenne après sa condamnation. Il condamne également les thèses de Bérenger de Tours qui affirme, contre la thèse de la transsubstantiation, le caractère symbolique de la présence du Christ dans l'eucharistie. Enfin, répondant à l'appel de l'empereur byzantin Alexis Ier Comnène, il exhorte les chrétiens d'Occident à défendre ceux d'Orient. La réforme grégorienne porte ses fruits. L'Église est indépendante et Clément III est isolé. Les valeurs de l'Église s'affirment complètement dans la société féodale. L'action des rois est influencée par le serment du sacre : maintenir la justice, défendre les faibles. Les pillages, guerres privées sont combattues par la paix de Dieu avec des ligues pour la paix, des forces de polices organisées par les évêques. Urbain II consacre la trêve de Dieu au concile de Clermont en 1095, qui suspend la guerre aux temps consacrés.
Le concile de Clermont en 1095 : un coup de maitre !
À Clermont, du 18 au 26 novembre 1095, avec 13 archevêques et 225 évêques, Urbain II préside un concile dont quelques canons (c'est-à-dire des prescriptions du concile) ont été conservés. Il y réitère la condamnation de l'investiture laïque et interdit aux clercs de prêter hommage à un laïc, même au roi. Il proclame solennellement la trêve de Dieu ou paix de Dieu, déjà annoncée dans des synodes précédents et renouvelle l'excommunication prononcée par l'évêque Hugues de Lyon contre le roi de France Philippe I er, pour son remariage avec Bertrade de Montfort. Urbain II qui a tiré les enseignements des ereurs commises par ses deux malheureux prédécesseurs, fait de la réforme de l'église ( dans le but de la rendre plus accessible aux pauvres et moins pompeuse, en réalité ce que tout le monde attend depuis longtemps ) sa priorité. Son appel à la croisade devient secondaire, presque noyé dans la réforme tant attendue. Cette réforme achevée au concile de Clermont le 27 novembre 1095, il en fit un résumé habile lors de son discours de clôture sur le parvis de la cathédrale. En fin de discours, pour conclure sur la réforme, il évoqua l'interdiction faite aux Chrétiens par les Musulmans d'accéder aux lieux Saints depuis plus de vingt années, il exhorta les seigneurs à arrêter leurs querelles stériles, il les supplia de mettre leur énergie au service de Dieu en prenant les armes pour délivrer Jérusalem ! D'autre part, il promit aux Serfs le statut d'hommes libres s'ils se croisaient, il n'en fallait pas plus pour galvaniser la foule qui acclama ce discours, et, dans ce contexte les seigneurs ne purent faire autrement que d'emboiter le pas au peuple ! C'est au cri de "Dieu le veut" que naquit ce grand réveil contre les Musulmans, il ne restait plus qu'à trouver un organisateur à la hauteur de ce projet ! L'organisateur arrivera par miracle, et ménera à bien cette croisade, cet homme providentiel s'appellait Godefroy de Bouillon. Cette proposition du Pape Urbain II intéressait aussi les seigneurs installés et les rois qui y voyaient une occasion de se débarrasser des seigneurs "sans terres" à moindre frais ! Plus tard, il fixera le début de la croisade au 15 août 1096 et en confiera la direction spirituelle à Adhémar de Monteil, évêque du Puy, Godefroy de Bouillon en étant le chef.
Urbain II et la Reconquista nécessaire en Espagne
L'Espagne est occupée par les Musulmans depuis l'an 711. Le pape Urbain II estime donc que La Reconquista en Espagne a même valeur méritoire que celle dirigée vers Jérusalem. Les Espagnols sont même invités par le pape à combattre les Sarrasins en Espagne plutôt que de se croiser pour Jérusalem. Il estime en effet que ceux qui combattent les Sarrasins participent à l'action divine de reconquête et de restauration de l'Église, c'est-à-dire de la Chrétienté. En 1088, dans une lettre à l'archevêque de Tolède, il y rappelle le passé glorieux de cette ville puis la domination des Sarrasins et la perte de liberté des Chrétiens pendant trois cent soixante dix-ans. La même année, le pape écrit cette fois ci à l'évêque de Huesca, à peu près dans les mêmes termes pour rendre louanges et grâces à Dieu. Celui qui a permis aux forces chrétiennes de battre les Sarrasins, les Turcs en Asie, les Maures en Espagne.
Si la reconquista fut une réussite, il faudra attendre l'année 1492 pour que l'Espagne se libère totalement du joug Musulman.